Mais (Ah! l'atavisme...!) les premiers cèdent parfois à la tentation de présenter leurs (anciens) rivaux comme des usurpateurs (les Coucous..!.) et les seconds, à habiller les leurs, apparaissant tardivement dans la Vallée de la Doire, en chevaliers blancs venus délivrer le pays de d'une race qui le mettait en coupe réglée de puis plus de 500 ans (voir ce qu'en disait l'Oncle Guillaume)
Puissent ces joutes amicales assurer la promotion d'Anjony, un site d'exception, remarquablement mis en valeur, que je vous conseille de visiter prés de Saint Cernin, entre Mauriac et Aurillac dans le Cantal, . Ils avaient un site ...; qui a disparu ..; peut-être remplacé ... ? Si vous le trouvez .. dite le moi ...
le Guide du Routard, dans son édition de 1997, s'est mis de la partie en 1997 en publiant un article un peu racoleur. Contrairement à leurs allégations, les Tournemire ne sont aujourd'hui ni dégénérés, ni abâtardis, ni disparus : nous sommes aujourd'hui plus de 600 vivants dont 47 garçons à porter le nom. (voir les états de descendance)
Alliés à la Maison d'Auvergne et à celle des Turenne, les Tournemire rayonnent alors largement autour de leur "nid" auvergnat, et leur influence s'étend en Limousin et en Quercy. Ils ont même fait souche en Bretagne où l'un d'entre eux s'est illustré à la tête d'une expédition envoyée par Henri II Plantagenêt au secours de son cousin, le duc Conan de Bretagne, dont il aurait par la suite épousé la fille.(Voir l'article de l'Oncle Guillaume)
Leur situation ne cesse de se dégrader et au début du XV°, ayant déjà largement entamé leur chevance, ils ne seront plus en état de résister à la montée en puissance d'une famille qui va peu à peu les supplanter.
La famille Joannis (l'origine du nom étant probablement le prénom "Jean" qui deviendra Johany puis enfin Anjony) était déjà présente à Aurillac au XIV° siècle.
Ses auteurs étaient "montés" du Quercy vers la fin du XIII° pour exercer une activité de négoce (marchands de peaux ? ). Grâce à l'opiniâtreté de ses membres, elle s'était rapidement faite une place enviable dans la bourgeoisie locale et avait placé les siens aux plus hautes charges de la ville d'Aurillac dont ils étaient devenus consuls.
Leur réussite dans "les affaires" et les conseils avisés prodigués par certains de ses membres, lettrés ou juristes, leur avaient permis d'accumuler une importante fortune terrienne en Haute Auvergne. Certaines de leurs possessions n'étaient guère éloignées de Tournemire...
En 1351, un certain Guillaume Johanini acquiert d'un successeur d'Eustache de Baumarchais, le fameux "quart de la tour haute " évoqué ci-dessus. A celui-ci était adjoint une maison forte, dite de "Larmandie", sise sur le promontoire de Tournemire. Ainsi un Anjony devenait, de facto, co-seigneur à Tournemire.
Pour les Anjony, s'ouvre un nouveau chapitre de leur histoire. Les bourgeois-négociants d'Aurillac deviennent des seigneurs, propriétaires terriens. Pour mieux asseoir leur nouvelle position, ils acquièrent peu à peu des terres auxquelles sont attachés des droits seigneuriaux qui leur font encore défaut.
En 1368, Bernard d'Anjony épouse une Marguerite de Tournemire. Les Anjony rendent "courtoisement" hommage aux Tournemire, principaux seigneurs du lieu et les deux familles vivent en paix à Tournemire.
Ils sont de grande prudence, se gardent bien de participer à ces couteuses opérations dans lesquelles la foi féodale engage les Tournemire et continuent de s'enrichir devenant, en quelques années le principal créancier de leur voisin.
Les Anjony font rapidement un choix politique qui va se réveller payant. Au grand dam des Tournemire, qui sont souverains sur leur terre, ils font acte d'allégeance au Roi de France qui cherche à s'appuyer sur de nouvelles familles pour résister à la puissance féodale. Anoblis par lettres patentes de 1362, ils vont désormais pouvoir compter sur le pouvoir royal pour affermir leur position en Haute Auvergne.... Le "Nid des Tournemire" abrite désormais un coucou qui grossit à vue d'oeil.
Jaloux de leur souveraineté, et conscients du danger que leur fait courir l'affermissement d'un pouvoir royal qu'ils ne reconnaissent pas et dont ils ont tout à craindre, les Tournemire,cherchent d'autres alliances, en particulier auprès de leur lointain cousin Plantagenêt.
Les Anjony, fidèles à leur stratégie deviennent fonctionnaires de la Monarchie. Ils répondent à l'appel de Charles VII et Louis d'Anjony, nou veau bailli des Montagnes d'Auvergne, crée, sous protection du souverain, une Compagnie de Gens d'Armes.
Pour l'abriter, il construit vers 1430 un puissant donjon (voir comment il se présente au 20° siecle) sur le site de la maison de Larmandie. Le plan, très simple, n'est pas étranger à celui du château de Vincennes que Louis peut avoir eu l'occasion de visiter, lorsque, à la tête de sa compagnie, il participait, aux côtés du roi, à la lutte contre les Anglais. Compte tenu du site choisi, à une portée d'arbalète des positions occupées par les Tournemire, on peut imaginer le peu d'empressement de ces derniers à faciliter l'installation de voisins encombrants. (voir le site d'Anjony, qui s'est bien développé depuis... le16/9/2000, il n'y avait qu'une photo et ... 4 dates)
Les chroniques de l'époque sont largement alimentées par les plaintes déposées par le clan d'Anjony auprès des représentants du pouvoir royal dont les Tournemire n'ont que peu à attendre. Ces derniers y font, le plus souvent, figure d'accusés et sont rendus seuls responsables des incidents relatés.
Tout est sujet à dispute et à contestation, Rigaud de Tournemire, qui entend obliger les Anjony à utiliser le four banal, vient détruire la pâte en cours de fabrication dans le four de son voisin, il s'attribue sans vergogne la grosse tonne à vin, ou "pipe", commandée et sans nul doute cher payée, par les "vils pelletiers". La vente du moindre morceau de porc salé déclenche un chapelet de procès dans une multitude de juridictions locales. Les cadets, les cousins et les bâtards, les intendants et leurs hommes, s'impliquent dans les querelles des Chefs de Familles. Les femmes aussi s'en mêlent et raniment, s'il en est besoin, l'ardeur des adversaires. Les injures, les provocations à la guerre et les défis pleuvent de part et d'autre : "sortez de céans, poltrons" lance un intendant, posté avec "une grande compaignie de ses gens" sous les murailles, et qui ajoute "aultres atrouces vilainies, injures", destinées aux gardes qu'il aperçoit aux crénaux et à la maîtresse des lieux accusée d'avoir eu "deux enfants avant qu'elle fut oncques mariée et qu'elle avait fait tué deux hommes".
Les Anjony introduisent un espion chez leurs ennemis; découvert, il est renvoyé à ses maîtres "les deux oreilles cousues aus fesses "
Pour pousser à bout l'adversaire, dans les tavernes, sur la place, le long des chemins, au hasard des rencontres, les tenants des deux clans se répandent en menaces de mort : "Morbleu ! je te tuerai ribault, et te baillerai les étrivières, je te passerai sur le ventre et y battrai une pavane". Pas une injure ne reste sans réplique, pas un coup ne reste sans vengeance. L'offensé se "jacte de faire tuer et occire" son ennemi. qui "jamais ne mourrait d'aultre mort sinon de celle qu'il lui donnerait". Après une embuscade, la victime "battue et maltraitée" est poursuivi jusque dans le cimetière, et "lui est donné sur la teste un si grand coup qu'il cheut à terre" puis "lui est donné cent coups d'éspée jusques après sa mort". Tournemire et ses gens "armés d'espées, javelines, arbalètes et aultres baston invasibles" interdisent au curé de recevoir le corps de l'intendant des Anjony "homme outragieux et fier qui a autre fois commis homicide et ayant reçu "juste chastiment". Quand ils sont enterrés à Tournemire, les cadavres des victimes des escarmouches sont nuitamment déterrés pour être livrés aux loups.
Les batailles rangées ne sont pas rares. La place de l'église en est souvent le théâtre, et les lieux consacrés ne sont pas épargnés. Pour avoir empêché le curé de lire en chaire une lettre de l'évêque qui s'est aventuré à donner à Anjony un titre de "coseigneur", Tournemire déclenche une sanglante affaire : "s'il y avait vilain pelletier d'Orillac qui fut si hardi de soi faire intituler seigneur de Tornamire, il lui cousterait la vie, je le tuerois" Le malheureux prêtre assistera terrorisé à l'échauffourée, du haut de l'autel sur lequel il s'est réfugié.
Les Anjony font bien sûr appel au Roi, les Tournemire sont parfois condamnés à "l'amende honorable" : nu-pieds, une torche à la main, et un jour de marché, sur la place de Tournemire, voire à avoir "la teste tranchée", leurs intendants reconnus "gens incongneux, vains et dissolus" à "estre estranglés". Mais les sentences ne sont exécutées qu'en "effigie et figure". Car les troupes royales ne s'aventurent guère dans nos lointaines montagnes. Tournemire a renvoyé un huissier nommé "Loup" les poings coupés : "Jamais loup ne fut pris sans qu'on lui coupa les poings"!
Pourtant, au fil des années, la protection royale dont bénéficie Anjony, l'accès qu'il ont eu le talent de se ménager à la Cour, une alliance prestigieuse avec la Maison de Foix, les conseils juridiques dont ils savent s'entourer, tout concourt pour qu'en 1590 les Anjony se voient reconnus "à parité d'honneurs, droits et prérogatives" avec les anciens seigneurs du lieux.
Moult batailles s'ensuivront, la dernière recensée, opposant, en 1623, trois Tournemire à trois Anjony, aucun de ces derniers ne survivra au combat, on ne sait dans quel état s'en tirèrent leurs adversaires et seule la basoche trouvera son compte dans les inévitables procès qui suivront.
Peu à peu, les Tournemire quitteront leur terre d'origine pour s'établir en Limousin ("plus riches de parchemins que d'écus" disait l'Oncle Guillaume). Ceux restés sur place tomberont en quenouille (1) chez les Pesteils, leurs proches voisins. Une Tournemire épousera un Saillas qui partira faire souche en Russie. cognez à la tombe du plus célèbre d'entre eux, il vous ouvrira. Les Tournemire du Limousins (insuffisament argentés pour émigrer) seront 15 en prison à Ussel en 1792 (je n'en situe que trois). Henri, fils de l'un d'entre eux eut la bonne fortune d'épouser Eléonore Clara Ruel de la Motte qui disposait de quelques moyens et permit au ménage de pouvoir s'installer à Pierrefitte maison que leurs descendants habitent toujours.
Puissiez vous prendre autant de plaisir à lire notre histoire que j'en ai eu à vous la conter...
(1) Tomber en Quenouille: n'avoir de descendance "que filles"