---
---
,
---
---
---
---
---
---
---
---
---
(Ce papier m'a été remis fin décembre
1998 par Aimé Aubert, à qui l'a demandé François
Georges Dreyfus (auteur d'un remarquable ouvrage "L'histoire de Vichy,
vérités et légendes", et qui en prépare un
autre sur les mouvements de résistance pendant la guerre)
Le mouvement des Compagnons de France a surgi des décombres de
la France écrasée en juin 1940 et envahie par l'armée
allemande. Mais il n'a pas été une création spontanée.
L'homme inspiré qui a été le fondateur est Henry
DHAVERNAS.
Non mobilisé en raison d'une infirmité accidentelle, il
a, durant la guerre, dirigé les scouts de France. Ce qui l'atteint
le plus dans le drame que vit alors la France est, dans la fuite éperdue
des familles réfugiées, les enfants sans foyer qui errent
en masse, à l'abandon. Ni les scouts ni d'autres organisations de
jeunesse démantelées ne peuvent, à ce moment là,
réagir.
DHAVERNAS comprend qu'il faut tenter de faire naître une structure
adaptée, pragmatique, pour répondre aux besoins immédiats.
Comment parvenir à mobiliser très vite un encadrement ?
Dhavernas est attaché au cabinet de Paul BAUDOUIN, ministre des affaires
étrangères du moment. Grâce à lui il accède
au Général Weygand, ministre de la Défense nationale
; il obtient de lui l'envoi de télégrammes jaunes pour convoquer
des officiers encore disponibles.
Beaucoup de ces requis affluent à Vichy, parmi lesquels André
CRUIZIAT. Celui-ci, un des chefs du scoutisme, forte personnalité,
va jouer d'emblée un rôle important. Il entame avec Dhavernas
une analyse de la situation et la recherche d'une action pour venir au
secours d'une jeunesse en péril.
Se joignent à eux quelques hommes de bonne volonté : Etienne
de CROY, diplomate, GASTAMBIDE, protestant, chef de la jeunesse unioniste,
FRAISSE (de la JOC), et quelques autres.
Trois données fondamentales inspirent la volonté constructive
de ces pionniers :
Fin juillet tout est prêt. Les statuts d'une association dite "les
Compagnons de France" sont déposés le 25 juillet 1940 à
la sous-préfecture de LAPALISSE.
La Charte de RANDAN
Alors que les "chantiers de jeunesse" mobilisent, en service obligatoire,
les hommes de 20 ans, les "Compagnons de France" lancent une expérience
d'éducation et de culture pour garçons de quatorze à
dix-neuf ans.
Une invitation est lancée à tous les mouvements de jeunesse
pour un rassemblement dans la forêt de RANDAN, près de VICHY.
Ainsi se trouvent réunis du 1er au 4 août, trente huit hommes
et huit femmes représentant le scoutisme, les organismes politiques
ou syndicaux, l'ACJF, les fédérations sportives (mouvements
confessionnels ou organismes laïcs).
A l'issue de la réunion est adoptée, à l'unanimité,
une résolution dont voici l'essentiel :
Dans celle clairière de Randan s'ouvre le premier camp-école
pour former des cadres, sous le patronage éminent d'André
CRUIZIAT et sous l'égide d'André de KNYFF qui va devenir
le prestigieux directeur des camps-écoles.
Une dizaines de stages se déroulent du 9 août au 14 octobre
. Randan fut le creuset d'une page d'histoire qui marquera ceux, acteurs
ou stagiaires, qui l'ont écrite. Puis vient, sans retard, la mise
en route du Mouvement.
Bâtie en un trimestre, l'entreprise ambitieuse a réussi.
Pourquoi ?" Tous croyaient sincèrement, avec leurs tempéraments
respectifs, à une rénovation par la jeunesse, à un
redressement national, à une formation personnelle, à un engagement
civique (Jean Marie Despinette, un des principaux chefs des "Camps Ecole").
Si les premiers garçons recrutés dans l'ambiance du moment,
apparaissent débraillés, la première leçon
de discipline leur est imposée par le "code d'honneur des compagnons"
qui exige :
: "Compagnon ! au service de la France, uni à tes compagnons, loyal
à tes chefs, tenace au travail, combats pour être un homme.
A l'oeuvre Compagnon ! que notre compagnonnage fasse la France jeune et
fière".
A la base, les compagnons constituent une équipe de dix garçons,
cinq équipes forment une "compagnie autonome" ; elle occupe un
cantonnement et travaille sur un chantier.
Trois à six compagnies font une "commanderie". Les commanderies
se regroupent par "Pays" et ceux-ci en "Provinces".
Sur le terrain le lancement des compagnies s'opère rapidement.
Il faut au chef local : choisir son implantation, recruter les garçons,
trouver un chantier (rémunérateur), des outils, des vêtements,
se loger, se montrer un éducateur, tenir ses comptes.
L'adolescent entre en compagnie comme apprenti. Un stage d'un à
trois mois, le gain de son uniforme par son travail, l'accord du chef
l'autorise à devenir Compagnon ; il prend son engagement lors d'un
salut aux couleurs.
Le chef compagnon a, lui, pris son engagement au camp de chefs, après
cette ultime question : "Es-tu résolu à être l'exemple
du serviteur loyal et fidèle de la France ?" "J'y suis résolu"
; "Chef de tes compagnons, reçois l'honneur et la charge de commander"
Ensemble les chefs et les jeunes s'attaquent aux tâches urgentes
: moissons, vendanges, forestage, fabrication de charbon de bois, chemins,
canaux. Car il y a un million cinq cent mille prisonniers, en majorité
des paysans ; il faut les remplacer.
En moins d'un trimestre, plus de dix mille jeunes sont recrutés
et rapidement formés. dans les deux cent trente chantiers ouvrent
en 1940, où 70% des garçons sont des réfugiés
(la plupart sont employés comme manoeuvres mais un pourcentage qui
va croissant, en apprentissage). On applique l'horaire de la compagnie autonome
: 6 heures trente : réveil, gymnastique, toilette, petit déjeuner,
salut aux couleurs puis chantier de 8 heures trente à 16 heures
trente (interrompu par un déjeuner rapide). Le soir, feu de camp
ou soirée libre.
Le chef et son assistant couchent au cantonnement (sous la tente au début
puis dans des locaux sommaires prêtés ou loués).
Dès le départ ces chantiers ne se sont pas bornés
à être des travaux d'entraide civique permettant de rémunérer
les compagnons ; La formation civique, humaine, morale a marqué
d'emblée un impératif : le souci premier d'être "au
service du pays, pour refaire la France"
Le volontaire, Compagnon de base, puise son engagement à deux sources
: son tempérament et sa formation. Le style compagnon, initié
par CRUIZIAT, se dessine, ordre extérieur, rassemblements, relations
humaines, réclament discipline et bonne tenue.
Le salut est imposé : il est stylisé en bonjour de la main,
l'avant bras vertical, le tout sans raideur.
Le chef est tutoyé mais on lui dit "chef" car il faut quelqu'un
qui ordonne.
La tenue est sobre, béret alpin, chemise à poche et pattes
d'épaule, culotte, le tout bleu marine. Les chefs portent aussi
la culotte "I1 fallait avoir froid comme les gosses".
L'écusson de province se porte cousu à la manche droite;
Le coq de clocher stylisé devient l'emblème du mouvement.
En camp ou en chantier le rassemblement est rapide et discipliné.
Il se fait en carré " Compagnon à l'aise", c'est la position
du repos, jambes écartées, mains derrière le dos ;
"A moi Compagnon ! ", c'est le garde à vous. La dernière syllabe
prononcée par le chef, les garçons, d'une seule voix répondent
: "France". Matin et soir on rend le salut aux couleurs avec les mêmes
commandements ; l'ultime cri du jour est un "France" vibrant. Ainsi est
établi le style Compagnon.
Du mélange du scoutisme, de l'action catholique, du syndicalisme,
de la jeunesse socialiste, naît une nouvelle alchimie. Cadres sociaux,
croyants et athées, paternalistes, hébertistes, officiers
et sous-officiers redevenus civils, prisonniers évadés, choristes,
comédiens routiers, journalistes, tout ce que les Compagnons de
France rassemblent va, au fil des mois, dresser l'expérience la
plus hardie d'éducation populaire, de formation des élites,
de taille des caractères dont peuvent encore se réclamer des
cadres, cinquante ans plus tard.
Des publications naissent pour répandre moins des idées
que des règles de vie, des exemples de héros : (Jeanne d'Arc,
Bayard, Guynemer, Péguy). Après " Le Chef Compagnon ",mensuel
diffusé aux cadres en septembre 1940, parait l'hebdomadaire "Compagnons"
destiné à la base et au public jeune, "Métier de chef"
revue de doctrine sortira le 1er mai 1941, "Compagnonnage" lien des militants
suivra le 15 mai ; Ces publications avec le précieux "Chansonnier"
fourniront la documentation des groupes en campagne.
Au cours de l'hiver 1940-1941 se révèlent les deux branches
du mouvement :"les Compagnies de chantier", centres de travail - "Les
Compagnies normales" première dénomination des "Cités".
Ces "Cités" vont chercher à rassembler une grande partie
de la jeunesse de la France non occupée, celle laissée en
friche par les mouvements de jeunesse, aussi bien dans les villes que dans
les bourgs ruraux
Afin de recruter des cadres, une formation, pour étudiants notamment,
est prévue lors des congés scolaires ou en fin de semaine.
L'unité de base ne sera plus le chantier mais un territoire (quartier
ou village).
La Cité visera à organiser toutes les activités des
nouveaux Compagnons (Plein air, culture physique, chant choral, art dramatique).
Elle aura pour ambition de préparer des jeunes à leur avenir
civique et social. Elle va mettre à la disposition de la jeunesse
une formation physique et culturelle, une organisation des loisirs, une
animation des soirées et des fêtes. Dès l'origine le
mouvement a attaché une grande importance à la culture, au
chant choral, à l'initiation du jeux scéniques, à
la préparation des feux de camp. D'où le rôle privilégié
du "meneur de jeu" à tous les échelons du mouvement.
Bien préparés dans des camps particuliers, les meneurs de
jeu deviendront progressivement des agents véritablement révolutionnaires
dans la formation d'une jeunesse appelée à rénover
le tissu social, à se préparer pour agir dans une France nouvelle
et libérée.
L'un de ces meneurs de jeu, celui de Provence, Luc MOUTON, peut servir
d'exemple. En 1943 il organisera, dans le Var en particulier, des feux
camp publics, à partir de chant folklorique et de scènes.
L'ambiance montait. A des chants locaux ou des pays de France, succédaient
des chansons plus hardies, comme " Ils n'auront pas l'Alsace et la Lorraine
" et dans l'enthousiasme populaire, éclatait une vibrante "Marseillaise".
Ce qui dût contraindre chef de province, Aimé Aubert a mettre
à l'abri dans les Hautes-Alpes le meneur de jeu Luc Mouton, recherché
par la Gestapo pour le succès rencontré par ses manifestations
vespérales.
Dès l'origine du mouvement le conseil de direction a créé
une compagnie d'an populaire. Elle comprenait une compagnie d'an dramatique,
puis une chorale, une section de danse et des équipes d'arts graphiques.
mais c'est le théâtre et le chant qui vont primer.
L'Illustre Théâtre
Ici apparaît la forte personnalité de Michel RICHARD. Il
rejoint Dhavernas en août 1940. L'été de la débâche
il puise une énergie dans un an qu'in chérit : la scène.
Sans s'attarder sur la fin du conflit, il porte la lutte contre l'ennui,
la léthargie, l'abandon, tristes conséquences de l'échec
des armes. Il cherche par l'an dramatique à exalter l'âme."
Mon théâtre, a raconté plus tard Michel Richard, a
joué pour accompagner un orateur du mouvement, Maurice CLAVEL en
particulier "Nous avons ainsi donné soixante-dix spectacles en zone
libre". La troupe jouera ensuite en zone occupée :Angers, Le Mans,
Tours, à Paris pour les prisonniers, dans les usines, chez les jeunes
délinquants.
L'Illustre Théâtre donnera naissance à trois jeunes
troupes : "Les Chevaliers errants ", "Les Idoines (au maquis), les "Voyageurs
du rêve ".
Le chant
Le "Chansonnier" des compagnons a été tiré à
six mille exemplaires. Chaque compagnon, pour savoir chanter, doit étudier
le recueil, connaître les mélodies et les rythmes. Le répertoire
est étendu. Des chants compagnons aux airs du terroir, de travail
de marine, de tradition (la Madelon, A la claire fontaine) anecdotiques
(Jeanneton prend sa faucille ; Fanchon) des ritournelles (Frère
Jacques, Alouette).
Rattachés au centre national, les "Compagnons de la musique " naissent
en septembre 1941. Le 5 ils débutent au camp national des Scouts
de France, Le 19 ils chantent sur la place de Thiers. Peu nombreux encore
: une quinzaine au premier centre de formation en décembre. Après
six mois de préparation (solfège, étude du chant
et de l'an scénique) - une tournée s'accomplit dans plusieurs
provinces avec soixante dix spectacles. L'hiver 1942, une tournée
s'élargit à de nouvelles provinces avec cent soirées.
Ayant effectué un tour de France, sous la baguette de Louis LIEBARD,
les Compagnons de la musique vont devenir les "Compagnons de la Chanson",
dirigés par Jean-Louis JAUBERT. Lancés par Edith PIAF, ils
vont dans les années d'après guerre, faire le tour du monde.
Leur grand succès en a fait les propagateurs incontestés
de la chanson française en ce qu'elle exprimait de traditionnel
mais aussi de neuf, de frais et de pimpant.
Il faut distinguer quatre périodes : celle de la création,
celle du contrôle, celle du soupçon, celle de
la dissolution.
La création
Quand il crée le mouvement DHAVERNAS
a l'accès auprès de plusieurs ministres qui considèrent
et encouragent son initiative : WEYGAND, Général HUNTZIGER,
CARCOPINO, BAUDQUIN surtout, le Ministre des affaires étrangères,
qui donne une subvention de deux millions.
Pierre GQUTET, ancien chef Scouts de France, ami de Dhavernas et de CRUIZIAT
est à la Direction de la Jeunesse. En septembre 1940 George LAMIRAND
devient Secrétaire du Général de la Jeunesse :il
se montre également favorable aux COMPAGNONS. GQUTET abandonne en
décembre 1940 la Direction de la Jeunesse qui est confié
en janvier 1941 à Louis GAR RQNE (qui jouera un rôle important
dans l'histoire des Compagnons de France). Le Maréchal PETAIN viendra,
en personne, à RANDAN, le 25 août 1940, confirmer son accord
pour le soutien et le développement des Compagnons de France.
Le contrôle
Le mouvement se développe et les administrations traditionnelles
(Education, Jeunesse, Enseignement technique, la Famille) ne voient pas
sans méfiance un mouvement passé de 6000 membres en septembre
1940 à plus de 20000 en janvier 1941. Jacques CHEVALIER, Secrétaire
Général de l'Instruction publique, évoque une crise
à la tête des Compagnons.
De fait, quand Dhavernas, retenu durant plusieurs semaines à Paris
par l'Inspection des Finances, regagne LYON en février 1941, il
trouve une atmosphère critique qui ne l'épargne pas. Michel
DUPQUEY, chef du bureau de mouvements au Secrétariat à la
Jeunesse, est informé d'une menace qui pèse sur les subventions.
Fin février un triumvirat composé de GORTAIS (ACJ Fi André
de KNYFF (Compagnon) et DUPQUEY (Jeunesse) est chargé d'analyser
la situation.
DHAVEHNAS se détache fin février de la direction du mouvement
qu'il laisse provisoirement à de KNYFF. GARRQNE pour mieux contrôler
la situation, s'appuie sur les chefs de bureau de la jeunesse : DUPQUEY
bien sûr mais aussi Georges LAMARQUE, jeune agrégé
de vingt six ans (qui apparaît pour la première fois) qui
va, en peu de temps remettre de l'ordre dans les dossiers administratifs
et financiers (subvention s comprises).
En quête d'un successeur de Dhavernas, Louis Garrone rencontre Guillaume
de TOURNEMIRE (qui lui est présenté par Pierre de
Chevigny, ancien élève de l'Ecole des Roches, dont Louis Garrone
était Directeur).
Il apprend la brillante carrière de cet officier qui, débarqué
au Maroc en 1924, où il rencontre LYAUTEY, va devenir, à
la suite d'Henri de BOURNAZEL, un héros de la guerre du RIF. A trente
et un ans il a été le plus jeune capitaine de cavalerie
de l'époque. Tout ce qu'apprend sur lui GARRONE : son indépendance
politique, son prestige militaire, sa trempe de meneur d'homme, lui font
penser qu'il serait un excellent Chef Compagnon. Mais l'intéressé,
surpris, tarde à donner son accord. (Il est alors rue Souflot
d'où il dirige les foyers d'étudiants que Georges Lamirand
lui a demandé de créer ..(voir un "papier" de Robert Hervé)
Ce délai est mis à profit par tous les dirigeants de Vichy
qui voudraient mettre en place un mouvement de la jeunesse unique et aux
ordres. Le Secrétaire d'Etat à la jeunesse poussé par
le Secrétaire à l'Information Marion, soutenu par le cabinet
de DARLAN, présente un candidat Armand PETITJEAN. Mais ce dernier
échoue devant les instances du mouvement qui élisent TOURNEMIRE
le 18 mai 1941.
Le soupçon
Après l'élection de Tournemire, officier patriote s'il en
fut, l'attitude des Compagnons de France a continué à inquiéter
le gouvernement de l'amiral DARLAN. Devenu ministre de l'intérieur,
PUCHEU tente encore de contrôler le mouvement ; c'est en vain. Tournemire,
lors de son élection, avait tenu à marquer sa fidélité
personnelle du Maréchal Pétain, mais avait en même
temps tenu à affirmer l'autonomie du mouvement et son indépendance
politique.
Cette indépendance s'est manifestée dans les publications.
Le collaborationnisme est flétri dans "Compagnons" le 30 août
1941 non moins que l'invitation honteuse dans la presse parisienne à
la délation. Au moment de la grande rafle de juifs à Paris
les 16 et 17 juillet 1942, "Compagnons" imprimait : "La France est plus
qu'une race, elle est une nation. Sa force lient non à la pureté
de son sang mais à son unité spirituelle"
Paroles associées d'actions puisque, jusqu'à sa dissolution,
le mouvement continuera d'abriter des juifs.
Cette tension croissante avec le gouvernement se poursuivait dans un contexte
d'ambivalence :
Le Chef Compagnon tient à garder un lien direct avec le Maréchal
Pétain
C'est ainsi que le 12 novembre 1942, il obtiendra une ultime audience.
Le Maréchal lui déclare en ce moment historique de l'occupation
allemande de la zone sud : "Je suis décidé à rester
ici. C'est ma place. Je sais que j'y perds mon prestige. Mais j'éviterai
à la France une partie des malheurs qu'elle subirait sans moi."
Emu par cette attitude de sacrifice, Tournemire renouvelle sa fidélité
personnelle mais il ajoute qu'elle ne l'empêchera pas de poursuivre
une action vigoureuse contre l'occupant détesté. " Mais
bien sûr, répond Pétain " Dans ce domaine vous ne
ferez jamais trop. Mais agissez avec prudence à cause de vos jeunes.
Je ferai de mon mieux pour vous aider, mais je ne peux pas tout faire. Bonne
chance !"
Mais par ailleurs le mouvement, bien que l'objet d'une méfiance
accrue, continue à recevoir des subventions du Secrétariat
à la Jeunesse. Cependant, avec l'occupation de la zone sud, la pression
de l'occupant se fait plus forte sur le gouvernement. Le Chef de Tournemire
échappe à l'arrestation en 1942. Plus tard, serré
de plus près par la Gestapo, il devra en octobre 1943, entrer dans
la clandestinité. Ce qui va lui permettre de mieux diriger le réseau
de Résistance qu'il vient de créer.
Dans les mois suivants, le chef de cabinet de Tournemire, André
AUMONIER, reçoit la délicate mission de tenter auprès
du Gouvernement de sauvegarder les subventions officielles. Tout étant
devenu politique, il doit le faire d'abord auprès du Secrétaire
général du gouvernement GUERARD. Puis il est renvoyé
au Chef du gouvernement, Pierre LAVAL, lui-même qui, espérant
peut-être mettre aux ordres ce mouvement de jeunes, accorde une subvention,
qui fut la dernière.
La prise de commandement du chef de Tournemire
C'est le comité de direction du 25 août 1941, auquel prend
pa1't Guillaume de Tournemire qui fait de lui le nouveau Chef Compagnon.
Georges REBATTET (il qui deviendra plus tard un des chefs de la résistance
militaire) qui assurait l'intérim depuis le 1er juillet, devient
Vice-président.
Le 27 août une cérémonie aux couleurs solennelle marque
la prise de fonctions de Tournemire. Le nouveau Chef va effectuer, du
12 septembre au 25 octobre, en métropole, en Corse, puis en Algérie
et en Tunisie, un périple de neuf mille kilomètres.
Il fait ainsi la connaissance du mouvement à la base et il restaure
d'emblée la confiance et la discipline des cadres après
une période de flottement.
Dans un message du Chef Compagnon aux Maîtrises de province en décembre
1941 on peut lire : "Le Mouvement Compagnon est un mouvement de combat.
Son combat n'est pas achevé tant qu'un risque de mon plane sur la
France. Nous prétendons faire des jeunes qui viennent à nous
des bons citoyens de demain intégrés à la communauté
« Nous prétendons du même coup leur rendre la joie
et en faire des hommes »
Début 1942 Michel DUPOUEY est de plus en plus tenté de quitter
l'administration de la Jeunesse pour l'uniforme Compagnon. Il le fait en
février 1942, quand Louis GARONNE abandonne la Direction de la jeunesse
à Georges PELORSON qui est l'homme du cabinet de LAVAL
II est décidé de célébrer solennellement le
deuxième anniversaire du mouvement le 27 juillet 1942 à
RANDAN (retour aux sources !)
Voir le plan
du Parc de Randan
Prévu pour accueillir trois mille jeunes le site va en recevoir
sept mille, venus par leurs propres moyens de tous les points de la zone
libre. Ce rassemblement plein d'enthousiasme et d'entrain, va être
marqué par des gestes symboliques. Chaque "pays " apporte des produits
de son terroir et défile avec son drapeau. Mais chacun est po1-leur
d'un peu de terre de son sol. Le contenu de tous ces sacs est mêlé
et chacun emportera un peu de cette terre commune.
Le Maréchal Pétain préside les cérémonies
mais c'est en sa présence que, dans un silence poignant, le Chef
Compagnon met en berne le drapeau tricolore "jusqu'à ce que la
France et son empire aient retrouvé leur intégrité".
La dissolution
En décembre 1943 TOURNEMIRE est dans la clandestinité mais
il apprend que l'entourage du Maréchal Pétain souhaite qu'il
abandonne ses fonctions de Chef Compagnon. Il refuse celle démission.
Le Mouvement a connaissance d'un décret de dissolution. Avant même
que le journal officiel du 21 janvier 1944 ne publie ce décret,
des miliciens cernent le château de CREPIEU la PAPE siège
du centre Compagnon ; les bureaux des provinces sont visités ou
occupés, plus ou moins brutalement, par de prétendus miliciens.
Au soir du 21 janvier, au Centre national et dans chaque province est
lu le dernier message du Chef Compagnon qui contient les phrases suivantes
:
" Le gouvernement vient de décréter la dissolution de notre
mouvement. L'association peut être dissoute, le combat Compagnon
continue. Ce que vous avez entrepris au service de votre commune, de votre
métier, de vos familles continue. Compagnon, un jour viendra où
l'appel Compagnon pourra à nouveau retentir dans notre pays, car
notre asservissement n'est pas définitif. Et le drapeau que j'ai
fait mettre en berne le 26 juillet 1942 jusqu'à la délivrance
de notre patrie sera monté " à bloc ". Je compte sur
vous. Bon courage ! bon travail pour la France ! A moi Compagnons....FRANCE
"
L'engagement militaire au moment des combats de la libération n'a
été qu'une résultante. La volonté de ne pas
subir la défaite a inspiré dès l'origine les actions
visant à sauvegarder les vies et les ressources matérielles
et morales du pays occupé.
La. Pré-résistance (1940-1942)
Dans toutes les provinces se sont développées progressivement
des actions, dans les domaines suivants :
De telles actions n'ont pas manqué d'entraîner la répression
allemande. L'une des premières victimes fut André NOEL,
chef de commanderie, fusillé le 28 novembre 1941, mon en laissant
à ses parents une lettre admirable de Français de l'EST
et de chrétien ; II est devenu dans le Mouvement un symbole de
résistance patriotique.
L'action militaire organisée
Ce réseau est né en décembre 1942 d'un accord passé
entre Marie-Madeleine FOURCADE et le commandant FAYE, chefs du grand réseau
ALLIANCE, avec le commandant de TOURNEMIRE qui devient DISPATER et Georges LAMARQUE , lui même membre
de l'ALLIANCE, qui sous le pseudonyme de BRENN va devenir le grand animateur
du nouveau réseau (En 1944, cerné alors qu'il transmettait
derrière les lignes ennemies, il se livrera pour éviter le
massacre des habitants du village et sera fusillé) . Georges LAMARQUE
recrute aussitôt quatre chefs de "Province Compagnon" (Pierre de
CHEVIGNY à Lyon (Il sera déporté), Aimé
AUBERT en Provence, SUDRE en Pyrénées, Garonne, Georges MERCHIER
pour le BERRY). Ils ont charge de trouver eux-mêmes des agents en
respectant un sévère cloisonnement.
L'action des Druides va procurer rapidement une fructueuse collecte de
renseignements de valeur militaire.
Le plus remarquable sera sans conteste, celui fourni par JANNIE ROUSSEAU,
adjointe de LAMARQUE ( AMNIARIX) qui permettra
de faire parvenir directement à l'état-major de CHURCHILL
une synthèse de renseignement très précis sur les rampes
de lancement des Vl et V2. Ces derniers permettront de contrecarrer pendant
plusieurs mois l'emploi de ces armes redoutables contre 1 'Angleterre,
ce qui fera dire au professeur JONES " Directeur du département scientifique
britannique durant la guerre, que ce fut : " le plus grand
exploit du renseignement fourni par la Résistance."
Georges REBATTET quitte en novembre 1942 les fonctions de Second-maître
du mouvement Compagnon pour se consacrer à la résistance
militaire. Sous le pseudonyme de "CHEVAL" il devient Chef-adjoint des maquis
de zone Nord puis chef de tous les maquis des MUR (mouvement unis de la
résistance).
D'autres chefs Compagnon ont été responsables des maquis
MUR : Georges RIVES (1) adjoint de Rebattet, Jean MONTIES (Nice), Gilbert
FARGE (LYON) (2), Maurice CLAVEL, ex Chef de camp-école (Commandant
FFI à Chartres).
Pierre CARTELET (3), Chef de pays Compagnon, Chef Druides dans les Pyrénées
Orientales, avait organisé une filière de franchissement
des Pyrénées. Il faisait passer en Espagne des aviateurs anglais
et américains abattus au dessus de la France, également
des résistants en mission (comme Aimé AUBERT en avril 1944)
ou serrés de près par la Gestapo.
Organisme social, filiale du mouvement Compagnon, créée
à Lyon, elle s'installe clandestinement en 1943 à Paris, Lille,
Bordeaux. Elle abritera nombre de réfractaires et en dirigera beaucoup
vers le maquis. Son chef, RIBY, sera arrêté et déporté.
Beaucoup d'autres actions se sont déroulées pour aider à
libérer le pays avant et durant les combats de la libération.
Citons en particulier et symboliquement le cas du Colonel HUET ; Secrétaire
général du mouvement, il en a pris le commandement après
l'entrée en clandestinité de Tournemire et de Rebattet.
Recruté par Lamarque aux "DRUIDES" ; il prépare avec les
"corniches" et des officiers de l'ORA, les cadres du maquis du VERCORS.
Au soir du 21 janvier 1944 après avoir présidé au
centre national l'ultime cérémonie des couleurs après
la dissolution, il part prendre le commandement du VERCORS, emportant avec
lui le drapeau du Centre Compagnon.
(1) Ancien Chef-Compagnon du pays de Marseille
et ancien premier adjoint "DRUIDES" d'AUBERT - MORT en déportation
(2) Déporté
(3) Arrêté, il a été
emprisonné et torturé à PERPIGNAN où une rue
porte son nom
Sur le Quid.... Compagnons de France. Nom : emprunté
aux compagnons du Tour de France. 1940 -25-7 fondés en zone Sud
par Henri Dhavernas (inspecteur des Finances et commissaire général
par intérim des scouts de France en 1939-40 ; Pt), Étienne
de Cröy (1er vice-Pt), Georges Demay (secrétaire) et Philippe
Lavagne (trésorier). Dhavernas et son équipe convoquent en
forêt de Randan (près de Vichy), pour un " camp-élaboration
", les associations politiques, éducatives, confessionnelles : 46
dirigeants (dont 8 femmes) viennent. Les scouts, l'Association catholique
de la jeunesse de France, l'Union chrétienne des jeunes gens (protestants),
les Auberges de jeunesse, les Frontistes (de Gaston Bergery), les jeunes
du Parti populaire français, du Parti social français de
La Rocque, de la CGT ou du Parti socialiste, signent la charte de Randan
pour former des jeunes afin de reconstruire matériellement et moralement
la France dans le respect de la personnalité de chacun. -29-11 les
jeunes de l'Empire français [créés 30-11-1938 par
Jean Daladier (fils du Pt du Conseil), jeunes de 14 à 19 ans], les
rejoignent. Chantiers ouverts : 230 [tâches civiques, travaux agricoles,
de forestage, carbonisation, terrassement (routes, stades...)]. Travail
: 6 h, puis éducation physique et éducation générale.
Tenue : chemise à poches et pattes d'épaule, culotte et béret
bleu foncé porté à droite. Cri de ralliement : chef
: " A moi, compagnons ! " ; réponse : " France ! " Devise : " Unis
pour servir. " 1941 30 000 compagnons. -18-5 Cdt : Guillaume
de Tournemire (élu par 18 voix contre 3) ; dirige 200 Cies (artisanales,
autonomes, itinérantes), 13 camps-écoles et une Cie itinérante
(créée par Robert Marjolin) chargée d'organiser des
" coups compagnons " . 1942 -nov. Dhavernas quitte le mouvement (rappelé
aux Finances à Vichy puis à Paris). Après l'invasion
de la zone Sud et l'instauration du STO, le mouvement perd nombre de ses
garçons. Tournemire entre dans le réseau de Résistance
" Alliance " de Marie-Madeleine Fourcade et crée ses compagnons
druides. 1943 -5-10 tournemire, menacé d'arrestation, passe à
la clandestinité. 1944 -15-1 décret de dissolution (JO du
21-1).