Pie XII, un "collaborateur" ?
Quelques dates
• 1917. Eugène Pacelli est nommé à
la délicate nonciature de Munich, unique poste de représentation
diplomatique du Saint-Siège en Allemagne.
• Décembre 1929.. le cardinal Pacelli est nommé
Secrétaire d'Etat de Pie XI.
• 14 mars 1937.. sous sa constante attention, promulgation
d'une encyclique avec CI. Fazilhaber et des 1.1 prélats allemands
« mit brennender sorge »
• 12 avril 1937.. violente protestation du gouvernement
allemand.
• 30 avril 1937.. réponse énergique et définitive
signée par le cardinal Pacelli .
• 12 mars 1939.. le cardinal Pacelli est élu pape.
• 5 mai 1939 Pie XII propose confidentiellement aux puissances
antagonistes une conférence à cinq pour régler les dijficultés
internationales en suspens. 20 octobre 1939.. encyclique Summi pontificatus.
• Nuit du 15 au 16 octobre 1943 rafle des juifs de Rome
par les SS : l'ambassadeur allemand convoqué au Vatican offre de faire
tout ce qui est en son pouvoir sous la condition expresse pour le Vatican
de ne pas faire état de son intervention.
• 29 novembre 1945 70 juifs revenus de déportation
viennent remercier Pie XlI de ses interventions.
• 9 octobre 1958.. mort du pape Pie XII. 1961.. pièce
de Ralf Hochhuth « Le Vicaire )
Elu pape depuis peu, Pie XlI déclarait dans Summi Pontificatus : «Nous
avons considéré comme un devoir (…) de Notre ministère
apostolique et de l'amour chrétien de mettre tout en œuvre pour épargner
à l'humanité entière et à la chrétienté
les horreurs d'une conflagration mondiale, même au risque de voir nos
intentions et nos buts mal compris». Pour comprendre la fermeté
de cette décision qui engageait non seulement sa personne mais aussi
l'Eglise qu'il incarnait, il faut nous replacer dans son contexte, avant
de nous ranger du côté de Ralf Hochhuth - auteur du «Vicaire»
… un peu hâtivement.
La guerre une fois déclarée malgré ses nombreuses tentatives
diplomatiques, Pie XII allait multiplier les démarches pour sauver
la vie de nombreux juifs et soutenir les chrétiens en zone occupée.
Ses interventions nombreuses en faveur des juifs par l'intermédiaire
des nonces (en Hongrie par l'intermédiaire de Mgr Rotta,. dans les
Balkans grâce à Mgr Roncalli) ou par celui d'organismes tels
que la Croix Rouge, Joint Distribution Committee, ou tout simplement en remplissant
les communautés religieuses de réfugiés de toutes sortes,
ne furent pas sans succès. Témoin cette déclaration
de l'ancien consul d'Israël à Milan, Pinhas E.L. ride : «Le
pape personnellement, le Saint-Siège, les.nonces et toute l'Eglise
catholique ont sauvé de 150.000 à 400.000 juifs d'une mort
certaine) Lorsque j'ai été reçu à Venise par
Mgr Roncalli et que je lui exprimai la reconnaissance de mon pays pour son
açtion en faveur dès juifs, il m'interrompit à plusieurs
reprises pour: me rappeler qu'il avait chaque fois agi sur ordre précis
de Pie XII.»
Prudence n'est pas complicité
On a surtout reproché à Pie XII son silence en face des atrocités
commises dans les pays occupés par les puissances de l'Axe, aussi
bien qu'en Allemagne. Tout le monde reconnaît pourtant qu'il a agi
activement pour atténuer les maux de la guerre et sauver individuellement
les juifs. Mais cette action souterraine était elle préférable
à une déclaration publique et à une condamnation officielle
qui n'aurait pas manqué de réveiller les consciences ?
La position du pape, compte tenu des informations qu'il avait, s'explique
par son souci d'éviter une persécution générale
qui aurait empêché l'Eglise de remplir sa fonction et de préserver
l'avenir. La réponse donnée par Mgr Sapiema au cardinal Pagaœzzi,
envoyé par Pie XII, nous permet de comprendre la situation: «Personne
plus que nous, Polonais, ne peut lui savoir gré de son intérêt.
Mais si jamais je devais publier ces papiers, ou si on devait les trouver
chez moi, toutes les têtes des Polonais ne suffiraient pas pour les
représailles que le Gauleiter Franck ordonne- rait... Il ne s'agirait
pas seulement des juifs... On nous tuerait tous... Quelle utilité
y aurait-il à dire ce que tout le monde sait? Il est naturel que le
pape soit avec nous. Mais point n'est besoin de rendre publique la condamnation
du pape, si elle sert à aggraver nos maux.» Réponse grave,
mais partielle cependant. En effet, la vérité a ses droits
qui l'emportent parfois sur les exigences de la prudence : trop de chrétiens
se sont laissés gagner à un 1 silence coupable par un enchaînement
de compromis où la peur a joué son rôle.
(100 points chauds de l’Histoire de l’Eglise (équipes Résurection,
Desclée de Brouwer 1979)